L’instabilité progresse au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Les événements violents et les pertes civiles augmentent. Nos outils d’aide visent à mieux comprendre les caractéristiques spatiales de la violence, pour des politiques plus contextualisées et territorialisées. La sécurité est analysée selon quatre dimensions : i) l’indicateur des dynamiques spatiales des conflits (SCDi) ; ii) les réseaux de conflits ; iii) les frontières et iv) l’urbain/rural.
S’appuyant sur les données collectées par l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) sur 3 800 acteurs et 60 000 événements violents, le CSAO/OCDE cartographie l’évolution des relations entre acteurs en conflit de 21 pays sur la période 1997-2023. Ces acteurs – forces étatiques, groupes rebelles et organisations extrémistes – entretiennent des relations d’alliance (toute relation de coopération) et de rivalité (toute relation conflictuelle aboutissant à un événement violent) d’une grande complexité et instabilité. Dans ces réseaux de conflit en constante évolution, des organisations alliées un jour pourront s’affronter le lendemain, puis coopérer à nouveau.
En Afrique de l’Ouest, les conflits, dominés par les relations de rivalité, se caractérisent par une hausse ininterrompue du nombre d’acteurs violents depuis la fin des années 2000, avec des conséquences dramatiques pour la stabilité de la région et la sécurité des populations civiles.
Le réseau de rivalités frappe par sa compacité au vu de la taille de la région, du nombre de pays concernés et de la multiplicité des acteurs impliqués dans des actes de violence. L’Afrique de l’Ouest est devenue un vaste théâtre de conflit militaire, où les activités violentes ne sont plus isolées mais s’intègrent dans un environnement conflictuel plus large. Au premier semestre 2023, 468 acteurs se sont trouvés impliqués, en tant qu’auteurs ou victimes, dans des actes de violence à travers l’Afrique du Nord et de l’Ouest, totalisant 771 liens de rivalité.
Cibles des forces gouvernementales, d’organisations extrémistes violentes et d’autres groupes armés, les civils nigérians occupent le centre de ce réseau de rivalités. Dans le Sahel central, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (en arabe, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin [JNIM]) se démarque quant à lui non seulement comme la plus grande coalition d’organisations djihadistes de la région, mais aussi comme celle comptabilisant le plus d’ennemis.
Ce réseau, qui relie les acteurs volontairement engagés dans des liens d’alliance, apparaît bien plus limité que celui des rivalités. Il est dominé par les alliances entre les forces gouvernementales et leurs milices alliées, et chaque acteur y a en moyenne un peu plus de deux alliés.
Il regroupe les forces militaires et policières nigérianes et la Force d’intervention civile conjointe, fédération de milices créée pour lutter contre Boko Haram. Dans le Sahel central, les alliances les plus actives sont celles entre les forces militaires du Mali et le Groupe Wagner, et entre les forces militaires du Burkina Faso et les forces auxiliaires.
Le bilan des 23 dernières années est sans appel : ce sont les conflits qui dominent en Afrique du Nord et de l’Ouest, et non la coopération. En témoigne la densité des relations de rivalité, restée constamment supérieure à celle des relations de coopération.
La légère tendance globale à la hausse de la coopération est principalement due à la formation d’un gouvernement d’union nationale en Libye et, en second lieu, à l’établissement de nouveaux partenariats entre gouvernements africains, milices locales et mercenaires, ainsi qu’à la consolidation des groupes djihadistes.
Ces 20 dernières années ont vu la centralisation de plus en plus forte de l’environnement conflictuel autour d’un petit nombre d’acteurs extrêmement violents : des acteurs puissants –étatiques ou non – s’y affrontent régulièrement, entourés d’acteurs impliqués marginalement dans des actes de violence. Cette dynamique est la résultante de la consolidation du pouvoir observée en Libye et dans le Sahel central. À l’inverse, seuls quelques acteurs étatiques sont parvenus à former une large coalition autour d’eux.
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